URBANISME AGRICOLE

La notion d’urbanisme agricole naît du constat de la marginalisation et de l’isolement récurrent du projet agricole dans le projet urbain. Dans une société extrêmement urbaine mais pourtant nécessairement agricole (plus une société étant urbaine et plus elle est logiquement agricole), il apparaît important que le projet urbain puisse être désormais consciemment porteur d’un projet agricole et d’une lecture nourricière. Plus largement, l’agriculture se doit d’être dynamique des constructions urbaines et être capable de proposer de nouvelles formes d’urbanisme. L’urbanisme agricole implique ainsi de porter un regard agricole permanent dans n’importe quel projet d’urbanisme, en questionnant le potentiel agronomique de chaque contexte, en limitant au maximum les surfaces construites et en densifiant les constructions, en investissant prioritairement les espaces les moins intéressants en termes agricoles, en recyclant en priorité les espaces bâtis qui ont perdu leurs usages, en installant partout où cela est possible une valorisation productive, etc.
Les notions décrites ci-après (développées par ordre alphabétique) vont dans le sens d’une quête d’un nouveau vocabulaire de projet s’appuyant sur cette volonté.


BÂTIMENTS AGRICOLES CONTEMPORAINS

La notion de projet de bâtiment agricole contemporain vient du constat de la nécessité d’affirmer de nouvelles formes de projets de bâtiments agricoles, exprimant d’abord un projet productif tout en offrant un projet de qualité affirmé comme contemporain. Il nous paraît qu’actuellement la notion de projet architectural agricole est soit liée à des nécessités « d’intégration paysagère » amenant à sa dissimulation ou sa ressemblance au bâti ancien, soit liée à des principes formels ne rencontrant pas forcément un projet agricole. Le projet architectural nous semble être souvent exprimé comme une superposition au projet agricole et non son expression. L’intérêt nous semble à l’inverse de mettre en place les moyens de s’approprier et d’appréhender un projet agricole pour former un projet spatial cohérent et qualitatif, en jouant des matières et des formes souvent d’apparences simples que proposent les constructions agricoles contemporaines. L’enjeu de ces projets de bâtiments est également d’en prévoir dans la mesure des possibilités leur polyvalence, en faisant en sorte qu’ils puissent être dynamiques d’un espace productif ouvert (utilisation des moments « vides » pour d’autres usages, etc.).

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Halle agricole, Aumont-Aubrac (Lozère), Fabriques, 2010


BERGER URBAIN

La notion de berger urbain vient du constat de l’enclavement et de la diminution générale des espaces agricoles, en appréhendant désormais la ville comme le futur territoire possible de l’agriculture. Elle naît aussi du constat de l’importance conséquente des surfaces créées par le développement urbain qui n’ont pas d’usages ou de fonctions particulières et qui posent des problèmes d’entretien conséquents (espaces extérieurs des zones industrielles ou zones commerciales, parcs urbains, délaissés, bords d’autoroute, etc.).

Nous avons essayé de développer cette notion à partir de 2007 à travers quelques expérimentations. Dans le cadre du symposium du vivant en 2007 organisé par le Grand Lyon nous avons proposé de faire pâturer en collaboration avec Thomas Hanss (paysagiste) le Parc de Gerland à Lyon. Environ 80 brebis encadrées par un berger urbain ont pâturé pendant une journée le parc. Le but était d’interpeller sur l’importance des surfaces urbaines pouvant devenir des potentiels productifs. L’apport de ce troupeau dans le parc a permis une cohabitation ponctuelle entre une activité agricole provisoire et mobile et les usagers habituels du parc.

Dans ce prolongement nous avons essayé la mise en place plus longue de quelques brebis dans un autre environnement urbain, celui du quartier d’Empalot à Toulouse en partenariat avec l’association « entrez sans frapper ». Des brebis ont été mises d’avril à juillet pour valoriser les espaces extérieurs d’un centre social en bénéficiant également des clôtures existantes du site. Elles ont également pâturé d’autres espaces proches enherbés et peu utilisés. Un habitant du quartier était indemnisé pour en effectuer la surveillance quotidienne, accompagné par l’agriculteur extérieur à l’agglomération propriétaire de ces brebis.

Si ces expériences étaient permises par l’apport de troupeaux extérieurs sur des durées ponctuelles, l’enjeu serait cependant de pouvoir installer des bergers à l’échelle d’agglomérations urbaines. L’intérêt des troupeaux (et notamment les troupeaux ovins) étant d’être facilement mobiles et de pouvoir effectuer des transhumances urbaines. Ces troupeaux conduits par ces bergers urbains permettraient de valoriser l’ensemble de ces délaissés en étant dans une logique productive et non uniquement d’entretien de ces espaces. Ces bergers peuvent soit être installés en tant qu’agriculteurs individuels (s’ils disposent de baux solides et ont la capacité d’investir dans la mise en place de bâtiments agricoles ou si des bâtiments agricoles financés par les collectivités peuvent leur être mis à disposition), soit être employés directement par des collectivités ou des associations. Leur mise en place suppose une analyse précise des terrains publics ou privés dont ils peuvent bénéficier, de leur nature, leur surface, et implique de définir un projet d’exploitation détaillé (en analysant les circulations possibles, les mouvements des troupeaux, etc.). Il convient également de prévoir la création de bâtiments (bergerie, logement de l’éleveur devant être à proximité, stockage matériel, aliment et fourrages), en analysant la possibilité que les fourrages puissent être produits au printemps sur les parties mécanisables des pâturages. Des bâtiments délaissés peuvent être utilisables pour ces usages, la maîtrise foncière à la fois des bâtiments mais aussi des surfaces de l’essentiel des pâturages et des espaces de fauche est importante pour assurer la pérennité et la transmission de ces systèmes. Les bergers urbains peuvent enfin permettre par des conventions plus simples de valoriser les nombreuses surfaces urbaines peu utilisées (espaces extérieurs des zones commerciales ou industrielles, bords de routes, etc.).

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Expérience d’un berger urbain, Parc de Gerland (Lyon), Fabriques, 2007


ENCLAVE AGRICOLE

La notion d’enclave agricole vient pour nous d’un travail de mémoire effectué en 2007 sur les espaces agricoles en périphérie de Lyon. En souhaitant étudier préalablement des espaces agricoles périurbains, nous avons rencontré par observation des positions agricoles désormais prises totalement dans le tissu urbain. Nous en avons choisi trois pour leur diversité de contextes, d’échelles et de formes agricoles. La première est en maraîchage, la seconde en grandes cultures et enfin la dernière en élevage.

L’enclave de maraîchage se trouve au nord de Lyon partagée entre les communes de Caluire-cuire et de Rilleux-la-Pape. Elle présente un vaste espace de maraîchage d’une centaine d’hectares bordé d’entrepôts, de bâtiments commerciaux et d’habitations collectives ou individuelles. Elle est pratiquement close par des axes routiers. L’enclave de grandes cultures étudiée se trouve au sud de l’agglomération lyonnaise sur les communes de Feyzin, Vénissieurs et Corbas, c’est un espace de près de 500 hectares. Enfin l’enclave d’élevage se trouve sur la commune de Sainte-Foy-les-Lyons à l’ouest de l’agglomération, sur les premiers reliefs du massif central contre lesquels Lyon s’adosse. C’est un pâturage de quatre hectares partiellement pris dans un tissu pavillonnaire.

Suite à la rencontre de certains élus et d’agriculteurs concernés les orientations que semblaient suivre ces enclaves et leurs statuts étaient totalement différentes. Les maraichers présents sur le première enclave n’avaient pas développé de relations particulières avec leur environnement urbain, faisant très peu de ventes directes notamment. Depuis plusieurs années l’enclave avait été appréhendée pour accueillir successivement plusieurs types de projets urbains, offrant un « vide » stratégique aux portes du centre de Lyon. Les maraîchers avaient depuis longtemps essayé d’anticiper leur départ en achetant des terrains extérieurs à l’agglomération pour déplacer leur siège d’exploitation. Ils n’avaient non plus jamais été intégrés au projet urbain et ce contexte leur posait problème. L’élargissement des voies de bus leur avait coupé un nombre important d’accès aux parcelles, l’éclairage urbain en bordure posait des problèmes de maturité précoce des légumes sur ces parties entrainant des différences de phasage de récoltes, etc. L’enclave semblait vouée à disparaître, l’un des derniers projets porté sur elle étant à ce moment-là d’en créer un parc urbain mais sans eux.

A l’inverse l’enclave céréalière s’était développée différemment. Pourtant a priori beaucoup moins liés à un contexte urbain (le maraîchage pouvant normalement plus facilement tiré parti d’une situation en ville), les agriculteurs céréaliers avaient réussi à trouver les moyens de leur maintien et de leur intégration au projet urbain. L’ensemble de l’enclave était classé en zone agricole dans les documents d’urbanisme et était protégée par différents statuts juridiques. Un syndicat mixte (syndicat mixte des Grandes Terres) avait été mis en place permettant de regrouper les agriculteurs et les différents décideurs autour d’un même projet. L’intérêt de cette enclave résidait aussi dans le fait qu’une transformation de cet espace avait été mise en place, en créant une sorte de parc agricole. Le parcellaire avait été restructuré en créant des chemins d’exploitation servant également à la randonnée, des sentiers d’interprétation avait été mis en place, les accès protégés, etc. Au-delà le statut des agriculteurs avait également progressivement muté. La plupart était double actifs, soit en ayant une activité annexe (prestataire de service pour l’entretien d’espaces verts par exemple), soit effectuaient de la fabrication de pain dans les lotissements proches ou ils habitent avec un système de vente directe, aboutissant à ce qu’ils défendaient comme un statut d’agriculteurs urbains.

Enfin l’enclave d’élevage présentait un statut finalement particulier. Donnant initialement l’impression d’être un pâturage en cours d’enfrichement et voué à une disparition prochaine, sa situation était l’inverse. La ville de Saint-Foy-les-Lyons disposait d’un espace classé comme zone « naturelle » en fond de vallée au milieu des lotissements, classement renforcé par son appartenance récente et stratégique à une vaste « coulée vert », dont le coût de gestion et d’usage lui posait problèmes. La commune a alors proposé à un éleveur installé à une dizaine de kilomètres en bordure de l’agglomération de pâturer cet espace. Une convention renouvelable annuellement a été mise en place, la commune se chargeant de l’installation d’une clôture périphérique et d’un défrichement sommaire, et l’éleveur s’engageant à entretenir cet espace par la mise en place de quelques bovins (le fait que l’éleveur soit en agriculture biologique était imposé). L’agriculteur amène ainsi à partir du printemps jusqu’au début de l’automne quelques vaches avec leurs veaux qu’il choisit parmi les plus dociles. Elles sont amenées en bétaillère, les transports étant effectués généralement très tôt les dimanches matin. Cela permet à l’agriculteur de disposer de nouvelles surfaces, étant sur son siège d’exploitation de plus en plus soumis à une pression foncière et notamment au désistement de ces propriétaires pour la location des pâturages à des particuliers pour des chevaux de loisirs (ces particuliers étant prêts à payer bien plus cher). Cet exemple montrait d’une part la formation d’un nouveau statut d’espace agricole en milieu urbain, avec la mise en place d’une sorte d’estive urbaine, mais surtout une nouvelle façon d’appréhender l’espace urbain comme un nouveau territoire productif.

Au-delà de ces enclaves agricoles précises, la notion d’enclavement qui nous apparaissait est aussi celui d’une marginalisation générale des espaces agricoles et de l’agriculture dans une société extrêmement urbaine, à la fois physiquement comme culturellement. Dans le même sens que le dernier exemple rencontré, le déplacement des espaces agricoles au-delà d’une limite urbaine toujours déplacée et grandissante amène à envisager la place de l’agriculture dans ce contexte d’une manière totalement différente. L’espace agricole « classique » étant peu extensible, la ville comme territoire apparaît désormais comme le nouvel espace agricole possible, conduisant à retourner le mouvement d’absorption par la ville des espaces agricoles. Enfin cet enclavement montre l’isolement progressif des agriculteurs dans une société où le rôle de ceux qui ont un rôle de production alimentaire et donc de modification de l’espace naturel pour cet objectif est de plus en plus faible. Il impose la définition d’un nouveau statut d’agriculteur, à la fois affirmé comme producteur dans une société nécessairement agricole, mais aussi pleinement associé au développement urbain, porteur et dynamique d’un nouveau projet agricole.

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Enclave agricole dans la périphérie de Lyon, 2007


ESTIVE URBAINE

Le principe d’estive urbaine est lié à plusieurs observations et expériences. Au printemps 2007 nous tentions d’amener dans Lyon quelques moutons pour valoriser un espace jusqu’ici délaissé et peu valorisable par d’autres usages (à l’intérieur d’un espace de jardins collectifs). Ces moutons étaient issus de l’exploitation agricole familiale, l’intérêt étant pour nous de trouver ici de nouvelles surfaces pâturables. Nous avons constaté aussi la pratique de certains éleveurs qui vendaient au printemps des agneaux à des particuliers pour valoriser des espaces de pelouses de leur pavillon dans des lotissements, les abattant avant l’hiver pour leur consommation personnelle. Si le mouvement historique des troupeaux dans les régions proches des zones d’altitude est celui d’une montée générale vers les sommets, il semblait intéressant de définir une nouvelle transhumance en trouvant dans l’espace urbain une nouvelle expansion possible estivale pour décharger les pâturages permanents. Ces principes amènent ainsi à appréhender une nouvelle mobilité agricole transitant à l’intérieur des espaces urbains.

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Expérimentation d’une estive urbaine, Lyon, Fabriques, 2007


LOTISSEMENT AGRICOLE

La notion de lotissement agricole naît d’une pratique liée à l’exploitation agricole familiale. Possédant des terrains près de Lyon sur la commune d’Eveux, à 40 kilomètres du siège d’exploitation et à 20 kilomètres de Lyon, nous emmenons tous les ans une quarantaine de moutons sur ce site ainsi qu’une dizaine de génisses. Les pâturages à moutons sont les plus proches du centre bourg ayant connu depuis les années 1950 un très fort développement pavillonnaire. La partie sud de la commune où se trouve l’ensemble des pâturages est désormais la seule non construite, faisant l’objet d’une pression foncière importante même si la volonté communale semble désormais d’être de conserver cet espace comme non bâti. Pour l’exploitation ces terrains représentent un intérêt du fait d’une augmentation des surfaces en période estivale, déchargeant ainsi les surfaces se trouvant sur le siège principal. Ces pâturages étant aussi à plus faible altitude, l’herbe y pousse plus tôt nous permettant d’y emmener une partie du troupeau dès le mois de mars. A l’inverse l’éloignement pose des problèmes importants. La surveillance est moins facile même si des membres de notre famille habitant à proximité permettent une présence proche permanente. La question des chiens dans les lotissements autour est aussi un problème important. Les chiens sortant parfois de ces lotissement impliquent des attaques régulières sur les moutons, la plus importante ayant entrainé la mort de 15 brebis sur 40, 15 autres ayant été blessées de manière plus ou moins grave. Les bergeries permettant l’abri des brebis sont aussi proches des habitations, entraînant dès les premières chaleurs une présence importante de mouches. Ces pâturages n’ayant pas de points d’eau, cela implique aussi soit de les alimenter par le réseau d’eau potable, soit d’emmener régulièrement de l’eau avec une tonne tractée. La pression foncière sur ces espaces entrainerait la volonté de les vendre pour construire, les propositions de promoteurs ayant déjà été nombreuses. Cela entraînerait cependant la perte de ces surfaces agricoles qui se plus sont en propriété familiale.

Lors du travail de diplôme commun en 2006, nous avions alors essayé d’imaginer une forme hybride permettant à la fois l’urbanisation partielle de ces terrains tout en conservant leur usage agricole. Les habitations seraient regroupées sur les bordures s’organisant autour d’un vaste pâturage central planté d’arbres fruitiers (largement présents sur site). Le pâturage serait occupé par les moutons pendant la période estivale, le reste du temps il serait ouvert et deviendrait un espace collectif ayant un usage de parc partagé, les surfaces extérieures non productives des habitations étant ainsi limitées au maximum mais s’ouvrant toutes sur ce pâturage central. Ce système permettrait aussi d’assurer une présence humaine forte surveillant le pâturage. Les eaux des toitures seraient récupérées pour l’abreuvement des moutons. La bergerie serait sur un point éloigné du pâturage groupant à côté les jardins potagers des habitants limitrophes du pâturage bénéficiant à la fin de l’année du fumier accumulé pour l’amendement.
Dans ce prolongement nous avions été contacté en 2011 par un promoteur afin d’envisager la construction d’un quartier avec logements semi-collectifs et individuels sur un espace agricole (pâturage à moutons) en bordure d’un bourg en Haute-Savoie. L’esquisse réalisée de leur part présentait un englobement total de la parcelle conquise ainsi que des espaces extérieurs conséquents. La proposition que nous faisions partait du même principe qu’à Eveux, en regroupant les groupes bâtis à proximité des axes en créant une succession de plusieurs parcs pâturables au sein de ce quartier, directement reliés aux autres pâturages limitrophes prévus pour être conservés.

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Projet de lotissement agricole dans la périphérie de Lausanne (Suisse), Fabriques, 2014


NOUVELLES FRICHES BÂTIES AGRICOLES

Le constat des nouvelles friches bâties agricoles fait suite à une étude conduite sur l’évolution du bâti agricole depuis les années 1960 en France pour l’association Maisons Paysannes de France (MPF) en partenariat avec le Ministère de l’Agriculture. Douze régions étaient étudiées en France. Nous avions dans le cadre de cette étude pour mission d’assister l’association Maisons Paysannes de France dans la rédaction de la synthèse nationale ainsi qu’en charge l’étude plus précise de la Bresse Bourguignonne en Saône-et-Loire. En étudiant de nombreux bâtiments sur plusieurs exploitations agricoles, il apparaissait et notamment dans les exploitations d’élevage ou différentes générations de bâtiments ont pu se succéder chaque décennie sur une même exploitation, que l’évolution rapide des activités agricoles entraine l’abandon d’un nombre croissant de bâtiments construits après 1960. On se trouve ainsi face à une nouvelle génération de bâtiments agricoles perdant leur vocation, mais qui à l’inverse des bâtiments antérieurs aux années 1950 à 1960 n’ont aujourd’hui aucune valeur patrimoniale reconnue. Il nous semble cependant que leur diversité est importante et que beaucoup d’entre eux présentent un intérêt architectural non négligeable. Si une part très importante du bâti agricole d’avant 1960 a été largement réhabilité pour du logement très souvent, au point qu’actuellement très peu d’anciens bâtiments agricoles n’étant plus sur les exploitations agricoles se retrouvent sans usages, le bâti agricole post 1960 apparaît comme le futur patrimoine rural qui sera certainement dans quelques années largement réhabilité et investi par de nouvelles populations. Il convient ainsi d’imaginer (comme cela commence à arriver) la création de lofts dans d’anciennes porcheries industrielles des années 1980, des habitations dans des étables des années 1970, ou la récupération de vastes hangars ou étables en stabulation libre des années 2000 pour des équipements publics si certains de ces bâtiments récents viennent à leur tour à être abandonnés. Cette notion implique ainsi de porter un regard différent sur les constructions récentes agricoles et d’analyser leur diversité et la multitude de leurs formes.

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Bâtiment d’élevage avicole datant des années 1970-1980 n’ayant plus d’usage aujourd’hui, 2007


PROJET AGRICOLE URBAIN

La notion de projet agricole urbain suppose la nécessité de définition, à l’échelle d’agglomérations urbaines, d’un réel projet agricole. Dans un contexte où les surfaces agricoles se réduisent et où les problématiques alimentaires se font de plus en plus pressantes, face également à l’effacement progressif de la politique agricole européenne, il semble que l’échelle régionale ou de communautés urbaines devienne la plus adaptée pour décliner des projets agricoles d’abord pensés pour favoriser d’abord leur autosuffisance. Le projet agricole urbain suppose ainsi d’analyser les territoires de ces agglomérations pour appréhender leur potentiel productif et mettre en place suite à cette analyse des systèmes d’exploitation adaptés et viables capables de valoriser les espaces urbains ou périurbains.

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Recensement des espaces potentiellement productifs de la ville de Roanne, Fabriques, 2012


PROJET DE PAYSAGE AGRICOLE CONTEMPORAIN

La notion de paysages agricoles contemporains est liée à la volonté de concevoir un projet agricole porteur et capable de proposer des images et des espaces nouveaux. La question de projets de paysages agricoles semble aujourd’hui très souvent liée à des formes paysagères anciennes ou très stéréotypées, généralement associées à l’idée de bocage et souvent à la question des plantations des haies. L’agriculture actuelle est souvent jugée pour avoir par l’industrialisation entrainé une banalisation des paysages. Si cette évolution peut poser des problèmes variés et conséquents, il nous semble cependant que les formes paysagères agricoles récentes présentent une diversité non négligeable, liée à des formes productives et une spécialisation régionale accrue (entre espaces très ouverts de grandes cultures, espaces entièrement voués à l’élevage, à l’arboriculture, etc.), mais aussi à une diversité de déclinaisons à l’intérieur de ces systèmes agricoles en fonction des contextes. L’agriculture actuelle présente ainsi un intérêt typologique de formes paysagères, et il convient de définir les bases d’un nouveau projet de paysages agricoles affirmé comme contemporains à l’échelle d’une société urbaine, à la fois productifs, variés, polyvalents et ouverts.

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Principe de bandes cultivées permettant de gérer l’érosion et affirmant un principe de paysage mouvant pensé pour sa possibilité de créer des formes nouvelles de paysage (projet de paysage agricole de Vernand, Loire), Fabriques, 2008


PÂTURAGE URBAIN

Dans le prolongement des notions de berger urbain et d’estive urbaine, le pâturage urbain est un principe de valorisation des espaces enherbés qui le permettraient par la mise en place de troupeaux transhumants. S’il permet l’entretien de ces espaces le principe reste dans une visée productive, en fonctionnement soit par l’apport temporaire de troupeaux extérieurs, soit par l’installation de bergers urbains mobiles à l’intérieur des espaces urbains.

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Entretien par pâturage des espaces extérieurs d’une zone industrielle, Saint-Flour (Cantal), 2009


PARC AGRICOLE

Faisant suite au constat d’enclaves agricoles et à l’expérience de mise en pâturage ponctuelle de parcs comme à Gerland, à l’image aussi d’exemples présents dans différentes villes européennes comme à Barcelone ou à Milan, la définition de projets agricoles à l’échelle d’agglomérations urbaines passeraient notamment par la mise en place de parcs agricoles. Ces parcs pouvant être crées sur des espaces agricoles préexistants ou non (enclaves agricoles ou « naturelles ») auraient pour principe d’être d’abord pensés pour leur forme et leur vocation productive tout en ayant une valeur d’espace public à part entière. Ils pourraient consister en la transformation des parcs urbains existants en fonction de leur nature. Ils permettraient ainsi de faire de manière large de l’espace urbain un espace pleinement productif en créant des réseaux plus ou moins vastes de parcs productifs.
Le principe des parcs agricoles serait ainsi à partir de dynamiques agricoles de créer de nouvelles formes de parcs d’abord pensés pour leur vocation productive (mise en place d’espaces de productions) tout en étant polyvalents et en pouvant accueillir des usages extérieurs. Les pâturages pourraient permettre lors de leur temps de non utilisation d’autres évènements, les axes de circulation pourront servir de chemins d’exploitation comme de randonnée, les bâtiments l’été pourront héberger d’autres usages, etc. D’abord réfléchis pour l’approvisionnement des agglomérations dont ils font partie, ils permettraient aussi une proximité de rapport des populations extérieures à l’agriculture avec les systèmes productifs. Au-delà, il semble que l’ensemble de l’espace agricole puisse tendre vers un statut similaire, en valorisant un projet productif tout en accueillant et en portant des usages urbains.

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Projet d’un principe de parc agricole dans la périphérie de Clermont-Ferrand à partir des enclaves agricoles recensées, Fabriques, 2010